Densité versus Authenticité 

Peut-on vraiment prétendre être authentique?

 

UNE QUESTION D’EMANATION  

La première fois que je l’ai vu en vrai, il se dégageait de lui une énergie que je pouvais sentir depuis le fond de la salle. C’était la première fois que je faisais l’expérience physique d’une émanation que je ne pouvais encore définir. A cette époque, le terme d’authenticité semblait répondre à toutes les quêtes de développement personnel et de spiritualité. A ses côtés, j’ai cherché à comprendre la nature de ce rayonnement : était-ce du charisme ? était-ce de l’assurance, de la sagesse, de l’expérience ? Etait-ce cette satanée AUTHENTICITE qui fait couler beaucoup d’encre ? Dans tous ces cas de figure je réalisais qu’il me faudrait m’armer de patience pour incarner cette énergie. La supervision n’y suffirait pas ! J’étais alors, encore, dans un mode très scolaire, imaginant que les enseignements reçus produiraient un jour ou l’autre le même effet sur moi. 

  

Et puis, au fil du temps, je l’ai vu lui, dans ses blessures, dans ses failles, ses doutes, ses contradictions. Je me suis vue aussi, mais plus tard, dans mes propres dualités intrinsèques avec lesquelles nous devons tous vivre. 

Aucun développement personnel n’y pourra rien, nous sommes faits de cette essence là : celle des chemins sinueux, celle des choix et pour qu’il y ait choix, il faut nécessairement plusieurs options possibles. Peut-on alors parler d’authenticité quand tout dans notre fonctionnement nous invite au pluriel, à l’aléatoire, au changement à 180°. Etre authentique serait répondre aux critères fondamentaux du vrai et du pur, un peu comme le bébé venant de naître. Et encore! ce dernier étudié aux cribles de la génétique et du transgénérationnel, n’a rien de l’oie blanche et vierge. Il porte déjà en lui les creux et les bosses de ses lignées.

  

C’est alors que j’ai replongé dans la mémoire de mon corps, ce fameux jour où pour la première fois je n’avais pas de mots pour qualifier mon ressenti. Qu’est-ce que c’était ? Puisqu’il n’est plus question d’authenticité au sens de vérité, de pureté. Nous serons d’accord sur ce point, nul ne peut prétendre à l’absolue innocence.  

Une image claire m’est alors apparue, celle d’une roche, massive, brute, compacte. Les aspérités sont visibles, les failles se dessinent mais l’aspect général forme un volume entier, aggloméré. Le terme utilisé en physique de DENSITE s’est imposé comme une évidence. Il est surprenant comme le monde devient intelligible dès que le mot juste apparaît pour nommer et définir. J’ai alors compris que j’avais poursuivi une chimère en imaginant que seule l’authenticité était une quête qui valait la peine. Cette quête était vouée à l’échec, tuée dans l’oeuf de son étymologie. Ainsi, je prenais conscience de l’absurdité du modèle calqué sur l’étiquette « authentique ». Je réalisais la pression que cela exerce sur notre volonté de changement, butant sur des obstacles insurmontables tels que notre propre nature versatile et contradictoire, surfant tantôt sur l’illusion du but atteint, tantôt sur l’espoir d’y parvenir un jour.

Quelle supercherie!

Alors ne m’en voulez pas si aujourd’hui, imparfaite, accueillie dans mes travers, auréolée de mes petites victoires dans les tréfonds de ma boîte de Pandore, je préfère tendre vers plus de densité en rassemblant les pièces de mon puzzle plutôt que vers l’authenticité qui plâne encore parfois comme une injonction dans le milieu du développement personnel et de la spiritualité.

Je danse !